Quels sont les principaux problèmes que nous allons devoir affronter en France ?
Il existe un très grand nombre d’articles ou d’ouvrages qui traitent de l’évolution possible du climat en France au cours des 100 prochaines années. Pour établir ce constat, nous nous sommes principalement référés aux travaux effectués à la demande du Ministère en charge de l’écologie par un groupe d’experts placés sous la Direction de Jean Jouzel. Ces travaux sont publiés sous la forme d’une série de rapports intitulés « Le climat de la France au XXIème siècle ». En janvier 2015, 4 volumes sont disponibles.
Les problèmes
- La pluviométrie va-t-elle changer en France ?
- La quantité d’eau mobilisable va-t-elle diminuer ?
- La qualité des milieux aquatiques va-t-elle être affectée ?
- Quelles seront les conséquences sur la vie aquatique ?
- Le risque d’inondation va-t-il être aggravé ?
- Les besoins en eau vont-ils augmenter pendant les périodes estivales ?
- Quels sont les impacts possibles sur les usages ?
Comment peut-on anticiper les conséquences du changement climatique à une échelle régionale ?
Ces rapports, en particulier le volume 4 (« Scénarios régionalisés pour la métropole et les régions d’outre-mer ») qui a utilisé les nouveaux scénarios du GIEC (les quatre RCP de référence), fournissent les indices climatiques de référence, susceptibles de servir de base aux mesures d’adaptation à mettre en œuvre sur le territoire français.
Nous avons également utilisé la synthèse du séminaire « Changement climatique : impacts sur les milieux aquatiques et conséquences pour la gestion » organisé par l’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) et le programme Gestion et Impacts du Changement Climatique (GICC) du Ministère en charge du Développement Durable. Ce séminaire a eu lieu à Paris en juin 2009.
Un autre document de synthèse extrêmement intéressant et un peu plus récent (2012) est le document préparatoire au PACC du bassin Rhône-Méditerranée-Corse : « Impact du changement climatique dans le domaine de l’eau sur les bassins Rhône-Méditerranée et Corse ».
Tous ces travaux reposent sur une même méthode : utiliser les scénarios du GIEC et les résultats des modèles globaux pour alimenter des modèles de descente d’échelle permettant de prévoir l’évolution du climat sur des mailles beaucoup plus petites (typiquement de l’ordre de 10 km par 10 km).
Selon les modèles, et les conditions aux limites utilisées, les résultats sont différents pour un même scénario. Les écarts observés entre les résultats permettent d’estimer l’incertitude. Cette incertitude augmente avec l’horizon de prévision. Dans le cas des rapports sur le climat de la France au XXIème siècle, deux horizons ont été pris en compte : 2021-2050 et 2071-2100.
Les travaux de Boé (2007) également souvent cités, ont utilisé les anciens scénarios du GIEC et se sont intéressés à l’horizon 2046-2065.
La pluviométrie va-t-elle changer en France ?
En France, les modèles sont globalement en accord pour prévoir une tendance à l’augmentation des précipitations en hiver sur l’ensemble du territoire métropolitain, ceci quel que soit le scénario. Cette tendance devrait s’accentuer au cours du siècle à venir.
Les différences entre les résultats des modèles sont plus importantes pour les précipitations estivales, avec même des divergences sur le signe de la variation (augmentation ou diminution) pour l’horizon 2021-2050. Pour l’horizon 2071-2100, la plupart des modèles prévoient une baisse des précipitations estivales, particulièrement dans le sud du pays.
De plus, des spécificités régionales, liées en particulier au relief, peuvent modifier fortement les tendances générales.
Il est donc très difficile de conclure sur l’évolution des précipitations en France.
Certains modèles prévoient cependant une baisse importante des précipitations en été, particulièrement dans le Sud et l’Est de la France. Une telle évolution particulièrement défavorable ne peut donc pas être exclue.
La quantité d’eau mobilisable va-t-elle diminuer ?
L’augmentation des températures va avoir pour conséquence immédiate une augmentation de l’évapotranspiration, donc de la consommation d’eau par les plantes. Le bilan hydrologique général de l’ensemble des bassins versants va donc être modifié et les volumes disponibles pour le ruissellement et la réalimentation des nappes vont diminuer. Le débit moyen des rivières va également diminuer.
Les modèles sont également relativement en accord sur le fait que les quantités de neige en montagne vont probablement diminuer en hiver et que la période de fonte des neiges va être avancée. Ces deux facteurs vont modifier le régime des rivières concernées et diminuer leur débit au printemps et au début de l’été.
Il est également extrêmement probable que la fonte des glaciers s’accélère en montagne. Dans un premier temps ceci va augmenter le débit des rivières qu’ils alimentent pendant les périodes estivales. Dans un second temps, lorsque les glaciers auront disparu, ces débits vont être fortement réduits en été.
Certains modèles prévoient également une augmentation des précipitations intenses, particulièrement dans le sud du pays. Ce type de précipitations provoque des ruissellements très importants et contribue moins à recharger les nappes d’eau souterraines que des précipitations moins intenses.
Globalement les quantités d’eau mobilisables risquent donc de diminuer dans de nombreuses régions.
Cet effet sera particulièrement sensible pendant les périodes estivales au cours desquelles les ressources mobilisables sont essentiellement celles stockées sous forme de neige, de glace ou de façon souterraine.
La qualité des milieux aquatiques va-t-elle être affectée ?
La modification du régime des précipitations et la diminution des réserves d’eau mobilisables en été va avoir une incidence sur le régime des rivières. En particulier, les étiages [4] vont probablement devenir plus fréquents et plus sévères sur presque tout le territoire. La diminution des débits entraînera une augmentation des temps de séjour et une moindre dilution des pollutions.
En termes d’impact sur les milieux aquatiques, ces évolutions seront aggravées par l’augmentation de la température de l’eau, concomitante avec l’augmentation de la température de l’air qui entraînera une moindre oxygénation de l’eau.
La modification du régime des rivières aura également une incidence sur le transport sédimentaire. L’augmentation probable des forts débits en hiver, en particulier dans le sud-est de la France, pourrait altérer la morphologie des rivières. A l’opposé, la baisse des débits estivaux pourraient conduire à une sédimentation plus importante favorisant, avec l’augmentation de température, le développement de blooms algaux [5].
Quelles seront les conséquences sur la vie aquatique ?
Ces évolutions en débit et en température auront vraisemblablement des impacts significatifs sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques.
Dans les rivières et dans les lacs, les populations de certaines espèces de poissons (barbeau, hotu, chevesnes, vandoise, ablette) pourraient augmenter au détriment des populations d’autres espèces (brème, gardon, truite, chabot).
Même si l’augmentation des températures n’est pas la seule raison, ces évolutions seront également très néfastes pour plusieurs espèces migratrices (saumon, alose, anguille).
Les zones humides risquent de diminuer en surface, mettant en péril de nombreuses espèces animales et végétales qui en dépendent pour tout ou partie de leur cycle de vie.
Enfin, l’augmentation des températures peut également favoriser l’arrivée d’espèces invasives.
Le risque d’inondation va-t-il être aggravé ?
Les modèles ne semblent pas montrer d’évolution importante des débits de crue, même si certains semblent indiquer que les évènements de pluviométrie extrêmes pourraient devenir plus fréquents sur les régions méditerranéennes. L’incertitude est cependant très grande sur ce sujet du fait de la très grande variabilité interannuelle des événements extrêmes.
Les besoins en eau vont-ils augmenter pendant les périodes estivales ?
L’augmentation des températures estivales va augmenter mécaniquement l’évapotranspiration, c’est-à-dire la quantité d’eau utilisée par les plantes. La conséquence directe sera une diminution de l’humidité des sols.
Cette diminution de l’humidité des sols aura des conséquences sur les zones de forêts et de végétation « naturelle » (mise en péril de certaines espèces, augmentation des risques d’incendies, etc.).
Elle conduira également à une augmentation importante des sécheresses agricoles.
Quels sont les impacts possibles sur les usages ?
Du fait de l’augmentation des sécheresses agricoles, les besoins pour l’irrigation vont très probablement augmenter en été, alors même que les ressources mobilisables vont diminuer. Les besoins urbains et industriels, en particulier pour la climatisation, vont également augmenter en été.
Cet effet « ciseaux » risque de poser des problèmes réels de gestion des ressources, même si globalement la France restera correctement dotée en eau.
La demande énergétique en été pourrait également augmenter, du fait des besoins en climatisation, alors que la baisse des débits et l’augmentation des températures des rivières et des fleuves compliqueront le refroidissement des centrales de production électrique.
L’assèchement des sols dans les villes pourrait également se traduire par des tassements des sols entrainant des désordres aux bâtiments.
Source www.graie.org